Déjà au Moyen Âge, seigneurs et princes aiment à s’entourer d’animaux : oiseaux, chiens, voire animaux sauvages. Le plus souvent ils les logent dans les annexes de leurs châteaux, mais ils peuvent aussi en admettre certains dans leur intimité. L’Histoire a retenu la passion des souverains français du XVe siècle pour les « oiseaux ».
Ils se prennent d’affection pour certains de leurs chiens au point de les garder auprès d’eux au lieu de les laisser au chenil.
Louis XI a transmis son goût pour les oiseaux et les chiens à son fils, Charles VIII.
En plus de très nombreux serins, le roi fait entretenir dans son intérieur un merle blanc et des tourterelles. Il s’entoure aussi de marmottes, pour lesquelles il fait tailler de seyants vêtements.
On trouve en effet dans les entourages des princes des animaux qui ne sont plus aujourd’hui que rarement admis dans les intérieurs, voire qui en sont rejetés, car sauvages.
À Paris, la reine Isabeau, épouse de Charles VI, tient dans ses appartements de l’hôtel Saint-Pol un singe, qu’elle fait habiller d’une « robe fourrée de gris (de fourrure) » et d’un collier de cuir rouge garni de laiton doré, ainsi qu’un petit écureuil qui porte un collier brodé de perles fermé par une boucle avec mordant en or.
Louis XI, encore enfant, se prend d’affection pour une lionne âgée de huit mois que lui a envoyée son oncle ; la bête passe les nuits dans une pièce voisine de sa chambre, attachée par une simple corde ; un soir, comme une fenêtre est restée ouverte, elle saute et reste suspendue par la corde qui l’étrangle.
Son chambrier rapporte que le dauphin en eut un grand chagrin et qu’il fit écorcher la lionne pour en garder la peau.
Cette attirance pour les grands fauves n’est pas seulement un caprice d’enfant : Philippe le Bon a dans sa maison de Bruges un lion apprivoisé que lui a offert en 1461 un Vénitien du nom de Barthélemy Cazol.
François Ier est connu pour ce même goût, ce qui étonne quand même un de ses contemporains, Pierre Belon :
« Comme nous tenons quelque petit chien pour compagnie, que faisons coucher sur les pieds de notre lit par plaisir, François I » y avait telles fois quelque lion, ours ou autre telle fière bête. »
Dans un monde où la familiarité avec la nature est plus grande qu’aujourd’hui et où les principes d’hygiène sont moins développés, la fréquentation de bêtes sauvages comme animaux de compagnie n’est pas rare, surtout lorsqu’ils contribuent au prestige de leur maître. Aujourd’hui, elle est devenue marginale.
Cependant, à partir du XVe siècle, les bêtes sauvages sont de plus en plus cantonnées dans ce que l’on appellera les ménageries. Le seul gros mammifère gardant rang d’animal de compagnie est le singe. Et pour cause ! C’est celui qui ressemble le plus à l’homme quand il est apprivoisé.
On rapporte que l’empereur Charles Quint jouait aux échecs avec un singe. Henri de Navarre (le futur Henri IV), comme sa mère Jeanne d’Albret, a aussi une grande affection pour ces animaux. L’Histoire a retenu le nom de trois d’entre eux : Bertrand et Robert, achetés en 1577-1578, et Frère Jean, acquis probablement un peu plus tard.
Robert fait scandale peu de temps après son arrivée à la cour du Béarnais en mordant gravement un maître d’hôtel. Cela n’empêchera pas le roi de le faire transporter sur un cheval, conduit par un de ses secrétaires, partout dans ses déplacements à travers la France.
En 1583, alors qu’il est à Mont-de-Marsan, Henri confie Bertrand à sa maîtresse, Diane d’Andouins, comtesse de Guiche, qui pendant près de huit ans sera aussi sa confidente et sa conseillère.
Agrippa d’Aubigné, compagnon d’armes du roi, raconte que « le seigneur de Bellievre [président au parlement de Paris], dépêché par le Roy [de France] vers le Roy de Navarre, voyait tous les matins par la fenêtre de son logis la comtesse de Guiche, alors garce en quartier [maîtresse attitrée !], qui allait à la messe, accompagné d’Esprit, de la petite Lambert, d’un Maure, d’un Basque avec une robe verte, du magot [singe] Bertrand, d’un page anglais, d’un barbet [un chien ancêtre du caniche] et d’un laquais ».
Devenu roi de France en 1589, Henri IV continue d’affectionner les singes. Robert vit au moins jusqu’en 1508 : le 9 mai de cette année-là, le jeune dauphin Louis (le futur Louis XIII, né du mariage d’Henri IV avec Marie de Médicis) s’amuse à le voir poursuivi par des chiens.
Le cardinal Mazarin, devenu en décembre 1642 principal ministre de Louis XIII, puis de la régente Anne d’Autriche, a lui aussi pour compagnon un singe. Saint-Simon raconte que les conseils se tenaient chez lui : Mazarin « s’habillait lorsque les ministres y arrivaient, on lui faisait la barbe, ou bien il badinait avec une fauvette qu’il aimait beaucoup ou avec une guenon qui était toujours dans sa chambre ».
Après lui, d’autres seigneurs et rois, pas seulement des Français, ont des singes. Le grand Frédéric II, ami de Voltaire, en possède même une véritable troupe ; alors qu’il n’est encore qu’un jeune prince, il baptise chacun d’eux du nom de l’un des conseillers et ministres de son père (qu’il déteste), prétendant constituer le sosie de « la Cour de Frédéric Ier.
On raconte qu’un jour, cherchant l’un de ses animaux favoris, il ouvre la porte d’une pièce où il espère le trouver et l’appelle. Le vrai conseiller qui y est, croyant que le jeune prince s’adresse à lui, accourt ; Frédéric le regarde : « Entrez, entrez toujours, c’est la même chose »… L’« humanité » du singe explique qu’il n’ait jamais complètement disparu du nombre des animaux domestiqués.
À la Malmaison, Joséphine, alors épouse du Premier consul Bonaparte, fait aménager une ménagerie pour abriter les très nombreux animaux qu’elle faisait venir du monde entier ; mais, quand le général Decaen, gouverneur des Indes françaises, lui envoie un orang-outan femelle apprivoisé, elle l’installe dans la maison ; revêtu d’une longue redingote, le singe participe aux repas, maniant à la perfection couteau et fourchette et se régalant de navets, son légume préféré. Un jour, l’animal tombe malade : on le couche dans un lit et on lui sert des tisanes sucrées… Aujourd’hui, malgré les dangers et les interdictions, les singes n’ont pas totalement disparu du monde des animaux de compagnie… à preuve le plus célèbre des années 1980 : Bubbles, le chimpanzé de Michael Jackson.