Loups-garous et lycanthropie, Histoire et origine des mythes

Des écrits antiques aux livres Harry Potter, en passant par les légendes du folklore européen, les loups-garous ont toujours intrigué et effrayé.

Contrairement à d’autres créatures mythiques comme la sirène ou le centaure, le lycanthrope (autre terme pour désigner cet être si étrange) vit la majorité de son temps sous la forme d’un humain tout ce qu’il y a de plus normal. Selon la légende populaire actuelle, il ne se transformerait en loup que les soirs de pleine lune. Nous verrons cependant que les premières mentions de cette « bête » n’évoquent pas forcément cet élément.

Un lycanthrope dévorant une jeune femme, gravure du xviiie siècle.

LA LYCANTHROPIE, UNE MALADIE INCURABLE

Dans notre imaginaire moderne, la métamorphose du loup-garou peut être volontaire, comme involontaire. Dans de nombreux livres, films et autres productions, ce qui peut être considéré comme une sorte de maladie serait en fait transmissible par une simple morsure infligée par un loup ou, parfois, par un lycanthrope lui-même. Dans certains cas, cette malédiction pourrait aussi être la conséquence d’un sortilège. L’homme infecté, ou ensorcelé, se transforme en loup féroce — avec de longs poils qui lui recouvrent tout le corps, des crocs impressionnants et des griffes affûtées — les nuits de pleine lune ou lorsqu’il a besoin de se défendre. En fait, ces créatures sont réputées incontrôlables lors de leur transformation puisque l’instinct animal prend complètement le dessus sur leur conscience humaine — ils pourraient tuer leur propre mère ! Dans la plupart des récits mettant en scène ces personnes changeant de forme, aucun remède n’existe pour qu’ils retrouvent leur nature. Ils doivent apprendre à contrôler leurs pulsions sanguinaires. Les gens recourent donc à différents stratagèmes pour limiter les dégâts — entre enchaînement et prise de potion ou autres « médicaments » (par exemple, la potion tue-loup utilisée dans Harry Potter pour soulager les symptômes de Remus Lupin).

ORIGINE INCONNUE

Personne ne pourrait dire à quel moment est né réellement le mythe du loup-garou, mais il est possible de retrouver quelques indices dans les histoires anciennes qui sont arrivées jusqu’à nous.

En Grèce, les origines du lycanthrope sont diverses. Une de ses premières évocations se trouve dans le poème « Métamorphoses » d’Ovide (8 ACN). Une de ses parties raconte ceci : Lycaon, le roi d’Arcadia, était un vrai tyran qui méprisait les dieux. Un jour, Zeus se rendit dans son palais sous la forme d’humain afin de le mettre à l’épreuve. Lycaon, ayant compris le stratagème, a voulu tester le dieu en lui servant de la chair humaine. Le père de dieux, très énervé, a brûlé son palais, tué ses fils et condamné le roi à se transformer en loup (à cause de son appétit pour la chair humaine). Le terme lycanthrope viendrait en fait du grec lukanthrōpos, dérivé du nom du roi. Depuis lors, le cannibalisme s’est vu associé à la lycanthropie dans l’imaginaire grec.

Dans l’ancienne Rome, on retrouve une des premières mentions de loup-garou grâce à un écrit du poète Virgile, les Bucoliques VIII. Il y parle d’un homme, Méris, qui pouvait se transformer en loup grâce à des herbes et des poisons.

Le loup d’Ansbach (en). Considéré comme la réincarnation de Michael Leicht, bourgmestre exécré de la principauté d’Ansbach, un loup mangeur d’hommes fut tué puis pendu en 1685. Pour l’occasion, sa dépouille fut revêtue d’un masque, d’une perruque et d’un costume à la semblance du dignitaire bavarois défunt.

LE LOUP-GAROU FRANÇAIS

De la même manière que l’ont été les sorcières dans une grande partie de l’histoire, les loups-garous ont été chassés, jugés et exécutés. En réalité, les sorcières étaient elles-mêmes fréquemment accusées d’être lycanthropes. Les règlements de compte entre villageois étaient bien souvent à l’origine de ses accusations, mais parfois de réelles actions sinistres avaient eu lieu.

En France, le 16e siècle a vu son lot de suspicions de lycanthropie. Plusieurs personnes qui se trouvaient être des serial killers ont été exécutées parce qu’on pensait qu’elles étaient loups-garous. Mais une des premières mentions de cette créature en France se trouve dans un rapport de 1214 : Gervaise de Tilbury y racontait à l’Empereur Otto IV que des habitants d’Auvergne avaient été vus se transformant en loup pendant la pleine lune.

Le loup-garou, par Lucas Cranach l’Ancien, vers 1512,

LA RENCONTRE AVEC LE WENDIGO

C’est d’Amérique que nous viennent aujourd’hui la plupart des représentations des loups-garous : du clip Thriller de Michael Jackson aux films pour adolescents, mais aussi d’horreur. La vision qu’ils transmettent de ce « monstre » serait issue d’une rencontre entre le loup-garou européen (légende apportée par les nombreux colons qui se sont installés en Amérique) et le Wendigo, une créature du folklore amérindien. Cette bête venue de la mythologie des Premières Nations algonquiennes du Canada se caractérise principalement par le cannibalisme. On retrouve ici le lien avec la légende grecque de Lycaon. En toute logique, ces êtres sont aussi communément associés à l’hiver et la famine.

En Louisiane, le lycanthrope prend le nom de rougarou — il s’agirait en fait d’une déviation du mot français « loup-garou ». Les nombreux Français qui sont allés vivre là-bas n’y sont pas pour rien. Comme la plupart de ces congénères, le rougarou aurait une soif de sang difficile à satisfaire. Il vivrait principalement dans le bayou.


Le Roi Lycaon changé en loup par Zeus, gravure du xvie siècle.

LES LÉGENDES NORDIQUES

En Norvège et en Islande, le loup-garou a aussi trouvé sa place. La mythologie scandinave est très riche et les Vikings ont influencé la littérature islandaise lors de leur colonisation. Leurs récits sont racontés sous forme de sagas. Dans l’une d’entre elles, la Saga Volsunga, qui date du 13e siècle, figurent de nombreuses histoires de lycanthropes.

Celle de Sigmund et son fils Sinfjotli reste probablement la plus connue. Lors d’une promenade dans la forêt, les deux hommes trouvent une cabane dans laquelle ils tombent sur deux peaux de loups ensorcelées. Une fois sur le dos, ces peaux transforment leur propriétaire en loup. Seulement, le sortilège dure dix jours — la peau ne pouvant pas être enlevée plus tôt. Sigmund et Sinfjotli se couvrent de ces pelages et partent chasser. Ils se séparent en se promettant de hurler pour prévenir l’autre s’ils trouvent sept hommes à combattre d’un coup. Sinfjotli ne respecte pas sa parole et son père lui inflige une blessure fatale sous le coup de la colère. Heureusement, Odin envoie son messager, un corbeau, sauver le fils grâce à une feuille cicatrisante. Une fois le fils guéri, les deux se dévêtissent puisque le dixième jour est arrivé. Ils détruisent les peaux par le feu, se libérant ainsi (et peut-être d’autres qui se seraient laissés tenter) de la malédiction de la lycanthropie.

UNE INVENTION DE L’HOMME

Les légendes de loups-garous sont diverses et l’origine de cette créature n’est visiblement pas unique. Les quelques légendes et histoires contées ici ne sont qu’un extrait de toutes les apparitions de ce monstre dans les cultures et les folklores. Les hommes, partout dans le monde, ont inventé des histoires de lycanthropes probablement pour exorciser leur peur face à cet animal féroce qu’est le loup. À cette peur de l’animal ont pu se mêler des rumeurs de cannibalisme et des affaires de meurtres parmi leurs communautés. Tous ces éléments les ont poussés à imaginer une malédiction ou un sortilège qui ferait de l’homme un loup durant la nuit (ou uniquement les nuits de pleine lune) afin qu’il puisse assouvir toutes ses pulsions les plus abominables.

Aujourd’hui, le loup-garou a été, dans certains cas, romantisé (comme dans les séries pour adolescents), mais il reste toujours une source, si pas de frayeur, au moins de curiosité.