Un secret bien gardé
La vérité sur la mort prématurée de Laïka fut longtemps cachée au public (pendant des dizaines d’années). On fit croire en effet à l’opinion que la chienne avait survécu pendant plusieurs jours à bord du satellite. Un médecin russe devait révéler par la suite qu’une mixture empoisonnée avait été prévue à bord pour euthanasier Laïka avant le retour du Spoutnik dans l’atmosphère terrestre, cette dernière manoeuvre se soldant par la désintégration définitive de la capsule et de tout ce qu’elle contient.
Le lancement de Spoutnik 2 eut évidemment un retentissement mondial, d’autant plus qu’au même moment les Américains enregistraient un important retard sur leurs concurrents soviétiques dans la course à la Lune. Les États-Unis n’étaient en effet pas capables cette année-là d’envoyer un satellite dans l’espace, encore moins avec un être vivant à bord. Malgré l’issue funeste de ce premier vol habité, le sacrifice de Laïka ne fut pas tout à fait inutile. Les données biométriques enregistrées se révélèrent précieuses pour l’avenir, laissant présager la possibilité imminente d’envoyer à leur tour des humains dans l’espace.
Jamais un animal n’était monté aussi haut. Sans doute, Laïka, cette petite chienne bâtarde trouvée errante dans une rue de Moscou, se serait bien passée de cet honneur. Mais le 40e anniversaire de la Révolution soviétique d’une part, les impératifs de la course à l’espace d’autre part, exigeaient des sacrifices et Frisette, rebaptisée Laïka pour la circonstance, fut la première à en faire les frais.
Lancée à bord du satellite artificiel Spoutnik 2, le 3 novembre 1957, pour tourner autour de la terre à 200 km d’altitude, Laïka devait succomber au bout de sept heures à cette épreuve, probablement victime d’une surchauffe de l’habitacle due au dérèglement du système de ventilation, mais peut-être aussi tout simplement terrassée par le stress.
Son supplice avait commencé dès le décollage. Harnachée d’une combinaison étanche, d’un masque à oxygène, d’un tuyau en caoutchouc récoltant ses urines et solidement sanglée dans l’étroit cockpit qui lui était réservé, on imagine le désarroi de la pauvre bête, âgée de 3 ans, quand la gigantesque fusée Soyouz prit son envol. Ses pulsations cardiaques doublèrent instantanément, atteignant 240 battements par minute, sa respiration se mit à haleter, son poids de 6 kg fut brutalement multiplié par neuf sous l’effet de la force centrifuge. Très vite, le système de climatisation, bricolé à la hâte, tomba en panne et la température intérieure atteignit 40°C. Bientôt l’animal ne donna plus aucun signe de vie.
Le martyre des chiens cosmonautes
Mais il fallait bien admettre que l’utilisation préalable d’animaux à bord des vols spatiaux impliquait pour ces passagers involontaires un entraînement qui frisait souvent la torture : on les tenait enfermés pendant des semaines dans des cages de plus en plus petites, on les plaçait dans des centrifugeuses pour les habituer aux brutales accélérations des fusées au décollage, on les soumettait à des bruits violents simulant le vacarme des réacteurs, on leur imposait un régime alimentaire à base de nourriture déshydratée. Plusieurs ligues de défense de la cause animale s’indignèrent et adressèrent leurs plaintes jusqu’au Kremlin. Mais l’actualité de l’époque mettait davantage l’accent sur la rivalité féroce qui opposait Russes et Américains dans le domaine spatial. La mort de la petite Laïka n’était vraiment pas au centre des préoccupations du moment. Maigre consolation, Laïka possède, depuis 1964, sa statue commémorative à Moscou…
Belka et Stelka ont été plus chanceux que Laïka puisqu’ils sont les premiers à être revenus sains et saufs sur Terre.
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