Le chat est un « serviteur du Diable », déclare le pape Grégoire IX en 1233

Chats impudiques, chats diaboliques ?

Les bestiaires – livres des natures des animaux – étaient légion au Moyen Âge ; moralisateurs, ils contaient toutes sortes de fables sur des animaux réels ou imaginaires (comme les licornes), dotés la plupart du temps de traits anthropomorphiques, affichant des attitudes typiquement humaines. Leur fonction était de livrer un enseignement propre à la morale chrétienne, notamment en mettant en scène des écarts de comportements afin d’illustrer les sermons. Les animaux ont ainsi été largement représentés dans la littérature – l’exemple paradigmatique étant probablement le fameux Roman de Renart – mais aussi dans d’autres formes artistiques (livres d’heures, tapisseries, blasons, peintures murales, médaillons, sculptures sur bois, en pierre, en métal, etc.).

On peut y retrouver une pléthore de figures familières telles que les animaux de la ferme (cheval, bœuf, âne, chèvre, mouton, poule – et par conséquent, le renard qui n’est jamais très loin des poulaillers est présent aussi), les animaux domestiques (chien et chat), les oiseaux, les serpents (ainsi que les dragons), les poissons, les animaux de la forêt (cerf, ours, biche, sanglier,…), les petits rongeurs, les animaux exotiques des ménageries (lion, singe, éléphant,…).

L’animal, une créature de Dieu

Dans la Bible, si l’homme a été créé à l’image de Dieu, il l’a été aussi « afin qu’il règne sur tous les animaux » selon l’interprétation de beaucoup de courants théologiens. La foi chrétienne médiévale, imprégnée de la pensée de saint Augustin, a instauré des rapports très hiérarchiques entre l’homme et les animaux, ces derniers étant considérés comme des êtres inférieurs et imparfaits. Et comme on le sait, l’opposition manichéenne entre la lumière et l’obscurité est très symbolique dans la religion. Dieu est lumière, Satan est ténèbres. Époque très superstitieuse, le Moyen Âge a catégorisé les animaux en fonction de ces prismes. Les animaux vivant la nuit, voyant dans le noir, ne pouvaient qu’être d’origine diabolique, des ennemis de Dieu. Chouette, chat, renard, crapaud, chauve-souris,… ont eu ainsi mauvaise réputation, mais le chat – surtout à robe noire – plus qu’aucun autre animal, a vraisemblablement beaucoup souffert de ces superstitions.

Les félins, ces suppôts du Malin

Associés à Satan, les chats noirs furent les plus persécutés durant le Moyen Âge, et à moins d’avoir une petite tache blanche sur leur fourrure, appelée dans ce cas « marque de Dieu », on les faisait disparaitre.

En 1233, une bulle pontificale (acte scellé émis par le pape) du pape Grégoire IX déclara le chat être un « serviteur du Diable ». Grand dormeur paressant le jour, chassant la nuit, avec en plus un fameux appétit sexuel au vu de sa rapide reproduction, le chat avait tout pour s’attirer les foudres de la « morale ». Alors quand à la même époque l’Inquisition se mit en action, qu’il y eut toutes sortes de procès de sorcellerie, les chats se retrouvèrent au banc des accusés au côté des femmes. Un siècle plus tard, leur sort empira.

Le pape Innocent VII intensifia en effet cette persécution féline, et en 1484, ce fut au tour d’Innocent VIII de renforcer les chasses aux sorcières, condamnées au bûcher avec leurs chats, ces deux « races » d’origine diabolique faisant la paire.

Pour en revenir aux reproductions artistiques des chats, certains détails incongrus méritent d’être relevés… et comment ne pas mentionner les innombrables représentations de chats occupés à faire leur toilette, sérieusement appliqués à nettoyer leurs parties intimes ?

Les moines décoraient en effet très souvent les pages de leurs livres manuscrits. Il est difficile d’expliquer pourquoi exactement les chats sont si souvent dessinés en train de se lécher. Nous pourrions supposer la survivance de l’esprit des fabliaux qui visait à faire rire, le besoin des moines de légèreté et de détente. D’un autre côté, représenter ces créatures en train de se lécher les parties intimes d’une manière aussi impudique a pu contribuer à renforcer l’étrangeté qui leur était associée…

Auteur : Mélanie Castermans