« Ils incisaient le ventre du chat, y inséraient des batteries »: La CIA dressait des chats pour espionner les soviétiques

Des chevaux de cavalerie aux pigeons voyageurs, les animaux ont toujours servi en première ligne dans les conflits humains. Les chiens ont tenu une grande variété de rôles : ils ont été combattants, guides, gardes, détecteurs d’explosifs. Pas surprenant : amical, coopératif, le « meilleur ami de l’Homme » n’est que trop heureux de rendre service.

Qu’en est-il des autres animaux domestiques ? Le dossier des chats est loin de renfermer autant d’exemples. Les chats pourraient difficilement être plus différents. Pour Rudyard Kipling, il est l’animal qui « s’en va tout seul » : obstiné et autonome, il ne semble pas désireux de plaire.

D’un autre côté, la réserve du chat lui permet d’être plus discret que le chien. Même après des millénaires de domestication, ce chasseur né peut se déplacer furtivement ; il est tellement indépendant que nous nous apercevons à peine de sa présence. C’est sûrement pour cette raison que le directoire pour la science et la technologie de la CIA trouva raisonnable de faire abstraction de ce précédent séculaire afin de tenter de rallier le petit félin à sa cause.

Il s’agissait essentiellement de dresser des chats afin qu’ils interceptent des communications. Équipé de micros et de transmetteurs (qui devraient être invisibles, et seraient donc implantés sous leur peau), le «  chaton acoustique » pourrait s’approcher d’individus en pleine conversation et ainsi permettre aux agents d’écouter de loin.

« Ils fabriquèrent un monstre »

Plus de vingt millions de dollars furent alloués à un programme qui, en grande partie, est toujours secret (probablement plus en raison de la honte qu’il génère que de son importance). Victor Marchetti, à l’époque assistant spécial du directeur de la CIA, Richard Helms, se rappela par la suite : « […] ils incisaient le ventre du chat, inséraient des batteries, des câbles.

La queue était utilisée comme antenne. Ils fabriquèrent un monstre. Ils le testèrent encore et encore. Ils découvrirent que le chat quittait son poste quand il avait faim, alors ils ajoutèrent un câble pour l’en empêcher. Puis, ils furent enfin prêts. Ils l’emmenèrent vers un banc, dans un parc, et lui dirent : “Écoute ces deux hommes. N’écoute rien d’autre – ni les oiseaux, ni les chats ou les chiens – uniquement ces deux hommes.” […] Ils le firent sortir de la camionnette, mais un taxi passait par là et écrasa le chat. Et ils étaient là, assis dans la camionnette avec tous ces boutons, mais le chat était mort ! »

L’affaire fut un peu expliquée dans un mémorandum daté de 1967, « Avis sur les chats dressés ». Il est impossible d’avoir accès à l’intégralité du titre ou du texte, mais nous pouvons en lire suffisamment pour avoir l’impression que des fonctionnaires se sont efforcés de donner un tour positif à ce fiasco. « Nous nous félicitons qu’il soit en réalité possible… d’effectuer une action non spécifiée ; une chose inconnue est en soi une réussite scientifique remarquable ».

En d’autres mots, tout ça est très encourageant (même si trop vague). Quoi qu’il en soit, les rédacteurs arrivèrent à la conclusion que le programme serait impossible à mettre en pratique pour leurs « besoins hautement spécialisés ».