Un an après l’armistice en France et sans tenir compte de l’accord de non-agression signé avec Staline, le 22 juin 1941 Hitler lance ses troupes à l’assaut de la Russie.

Staline, qui cherche de l’aide, partout signe un accord avec le gouvernement polonais en exil à Londres bien que lors de l’attaque de la Pologne par les Allemands en 1939, les Russes avaient eux-mêmes attaqué les Polonais.

Mais, comme on dit souvent en politique, un état n’a pas de sentiment et Staline promet aux Polonais, s’ils se battent à ses côtés, de reconnaître la Pologne qu’il vient d’asservir et de libérer les milliers de prisonniers polonais qu’ils ont faits en 1939. Il décide aussi de créer une armée polonaise sur le territoire de l’URSS. Cette armée est commandée par le général Anders que, pour la circonstance, Staline fait sortir de ses prisons.

Anders, qui connaît les Soviétiques, n’a aucune confiance en eux et, contre l’avis des alliés et de son gouvernement, il obtient de Staline l’évacuation vers l’Iran de cette armée en 1942. Il réussit à faire évacuer au total 115 000 personnes y compris les femmes et les enfants qui avaient passé près de 2 ans dans les Goulags russes. Aux côtés des Russes et des Anglais, il va empêcher les Allemands de s’emparer des ressources pétrolières de l’Iran.

Alors que les soldats et les civils polonais font route vers Téhéran, ils s’arrêtent dans la ville d’Hamadān.

Pendant qu’un groupe de Polonais se promène, ils rencontrent un jeune garçon iranien accompagné d’un petit ours. L’enfant explique aux Polonais étonnés que la maman de l’ourson a été tuée par des chasseurs et qu’il est orphelin. Irena Bokiewitch tombe littéralement amoureuse de l’ourson et persuade un jeune lieutenant de l’acheter à l’enfant.

Aussitôt dit aussitôt fait : échangé contre quelques conserves de viande, notre ourson se retrouve au milieu des soldats, des réfugiés polonais et surtout d’Irena qui ne s’en sépare jamais.

L’ourson, qui a des difficultés à avaler, est d’abord nourri avec du lait concentré et placé dans une bouteille de vodka vide. Par la suite, il mangera principalement des fruits, de la mélasse, de la marmelade et de miel, et il commencera à boire régulièrement de la bière, qui deviendra d’ailleurs sa boisson préférée.

Fréquentant les soldats, il les imite et va apprendre à fumer, mais il finira toujours par manger les cigarettes qu’on lui donne. Au niveau militaire, il adore jouer à se battre au corps à corps avec les soldats qui ose défier sa grande masse et qu’il fait attention à ne pas trop bousculer… Il apprend également à rendre le salut militaire quand on le salue…

Rapidement, il devient la mascotte non officielle de toutes les unités en poste dans la région et, pour mettre les choses en ordre d’un point de vue administratif, il est officiellement intégré à l’armée polonaise et est incorporé comme soldat dans le 22e régiment de ravitaillement d’artillerie du deuxième corps d’armée polonais.

Sous le nom de Wojtek, il vit avec les autres hommes, dormant dans une tente avec eux ou dans une cage en bois, sur mesure, et il fait les déplacements en camion. Contrairement à ses collègues, il ne reçoit pas de solde, mais bien une double ration de nourriture.

Bien que très sage, son instinct prend parfois le dessus et on le retrouve en train de chaparder des fruits ou de se rafraîchir avec de grande quantité d’eau alors que celle-ci, lors des grandes chaleurs, est rationnée. Mais sa présence fait tellement de bien aux soldats qui se préparent à aller se battre en Europe qu’on lui pardonne tout.

Avec les troupes polonaises, Wojtek traverse l’Iraq, la Syrie, l’Égypte et la Palestine pour se retrouver en 1944 sur le front italien en face de la position qui verrouille la défense allemande, le célèbre Mont Cassin. Faire tomber cette position est indispensable pour ouvrir la route de Rome. Entre janvier et mai 1944, plusieurs assauts menés par les Français libres, les Anglais ou les Américains échouent. C’est là que le deuxième corps polonais va s’illustrer en menant une attaque décisive sur le Mont Cassin et le monastère situé à son sommet. Wojtek et ses frères d’armes se lancent à l’assaut des positions allemandes sous un déluge de feux ennemis. Comme il est incapable de manier une arme, Wojtek se rend utile en portant de lourdes caisses de munition et des obus de mortiers. La bataille du Mont Cassin est une des plus sanglantes de toute la campagne des alliés en Europe. Les forces de l’Axe font pleuvoir un véritable déluge d’obus et de balles sur les assaillants qui avancent sur les pentes de la montagne en n’ayant presque aucun endroit pour s’abriter. Après une semaine de combats sanglants, l’armée polonaise parvient à atteindre son objectif et le 18 mai les Polonais ont l’honneur de hisser les premiers leur drapeau au sommet du mont. Cette victoire importante permettra aux alliés de continuer leur progression vers le centre de l’Europe et l’Allemagne.

La vision d’un ours sur un champ de bataille de la Seconde Guerre mondiale est tellement unique qu’elle contribue à faire de Wojtek le véritable symbole de son régiment, à tel point que l’état-major va changer l’emblème officiel du régiment pour le remplacer par une silhouette d’ours qui transporte un obus ! Et pour ces faits d’armes, le soldat de première classe Wojtek, l’ours guerrier, est élevé au rang de caporal.

En 1945, à la fin de la guerre, la Pologne est occupée par les Soviétiques et Wojtek et son régiment sont rapatriés en Écosse ou notre ours devient une attraction pour la presse comme pour les civils. En 1947, le régiment de Wojtek est démobilisé et notre ours est séparé de ses compagnons d’armes. De peur que la Pologne communiste ne s’en serve à des fins de propagande, l’armée polonaise décide de confier l’animal au zoo d’Édimbourg. Wojtek, devenu un ours légendaire, pourra y mener une vie paisible pendant de nombreuses années.

Régulièrement, d’anciens camarades de combat viendront lui rendre visite en lui apportant toujours des cigarettes dont il savait Wojtek friand, mais que celui-ci finissait quand même toujours par manger. Wojtek décédera dans le zoo d’Édimbourg en 1963. Et si lors d’un de vos voyages, vous croisez une grande statue d’ours à Cracovie ou à Édimbourg, faites un petit salut militaire à Wojtek l’ours qui a fait la guerre… Qui sait, peut-être vous le rendra-t-il ?

Raissa

Recent Posts

Agnès Bowker, la servante qui prétendait avoir accouché d’un chat

En 1569, pendant l’Angleterre élisabéthaine, une jeune servante du nom d’Agnes Bowker a affirmé devant…

3 ans ago

«J’aimais ce pigeon comme un homme aime une femme» : Nikola Tesla obsédé par les pigeons

Inventeur du moteur électrique, du radar, de la radio, du courant alternatif ou des rayons…

3 ans ago

Loups-garous et lycanthropie, Histoire et origine des mythes

Des écrits antiques aux livres Harry Potter, en passant par les légendes du folklore européen,…

3 ans ago

Chats de fonction, chats officiels, quelques vies de chats très particulières

Dans l'Égypte ancienne, les chats étaient vénérés comme des dieux. Chez nous, par contre, il…

3 ans ago

Singes, lions, marmottes, écureuils,… Les drôles d’animaux de compagnie des puissants d’autrefois

Déjà au Moyen Âge, seigneurs et princes aiment à s’entourer d’animaux : oiseaux, chiens, voire animaux…

3 ans ago

Dolly la brebis, premier mammifère cloné

Le 5 juillet 1996, Dolly naît à Roslin au Royaume-Uni dans l’Institut Roslin où elle…

3 ans ago