À la frontière de l’inexplicable
Un professeur de mathématiques allemand, Hartkopf, isola « Hans le malin » — le surnom qu’on lui avait donné – dans une pièce, sortit de sa poche l’enveloppe contenant les « colles » qu’il allait poser à l’animal et qu’il transcrivit sur un tableau, seulement visible du cheval. Il tendit alors au jury des observateurs (dont était absent le propriétaire du quadrupède) la copie des mêmes opérations à effectuer par eux.
Le cheval découvrit la réponse juste de « racine quatrième de 456.776 », soit 26 et cela en une dizaine de secondes, bien avant le plus doué des mathématiciens de l’assistance.
La polémique se mit à sévir avec tant de rage autour de ces prouesses que l’empereur Guillaume II lui-même ordonna une enquête sur le « cas Hans » pour s’assurer qu’il n’y avait pas eu tricherie et pour faire taire la controverse. Mais, comme c’est souvent le cas, cette affaire pourtant passionnante finit par passer au second plan, éclipsée par des événements autrement dramatiques, en l’occurrence la déclaration de la Première Guerre mondiale.
En l’absence de toute explication rationnelle, certains ont évoqué la possibilité d’un phénomène médiumnique, ce qui soulève la hasardeuse question de l’existence d’un métapsychisme animal.
Ce que l’on a appelé plus tard « le phénomène de Hans le malin » désigne à présent l’interprétation de signaux subtils envoyés inconsciemment par le public présent. Dans le cas des chevaux d’Eberfeld, y a-t-il eu interférence entre la pensée humaine et la « pensée » animale ? Un quelconque phénomène d’hypnose, de télépathie, de transmission de pensée, a-t-il joué ? Un mystère ne ferait dans ce cas qu’en remplacer un autre.
Les recherches n’ont jamais été poussées plus loin et c’est sans doute regrettable. L’énigme reste entière d’autant que les cas d’animaux calculateurs sont devenus fort rares. Un chien calculateur connut également son heure de gloire, il y a quelques années, lorsqu’on apprit que c’était lui qui donnait chaque jour une leçon de calcul aux deux filles de sa maîtresse et les aidait à résoudre leurs devoirs de mathématiques.
Nous rejoignons ici la frontière troublante où psychismes humain et non-humain se confrontent d’une manière inexplicable.