L’unique survivant
Dans l’enfer de la guerre, les hommes tendent parfois à s’accrocher à la moindre source de tendresse et d’affection. On a beau être soldat, on n’en a pas moins un coeur. Et les compagnons de Duncan sont tout de suite d’accord pour se partager les cinq chiots et leur mère. Le jeune caporal décide pour sa part d’en garder deux pour lui, une petite femelle et un mâle. Il s’empresse de les baptiser Nénette et Rintintin, des noms bien français, puisés dans le folklore local. Dans les villages libérés, les enfants offrent volontiers aux vainqueurs, en guise de porte-bonheur, leurs nounours ou leurs poupées affublés de ce genre de noms puérils.
Les deux chiots adoptés par Lee Duncan seront les seuls à survivre jusqu’à l’Armistice. Mais, sur le chemin du retour vers les États-Unis, pendant la traversée de l’Atlantique, Nénette, malade, succombera à son tour. Reste Rintintin, l’unique survivant… Il s’en sera pourtant fallu de peu qu’il ne voie jamais, lui aussi, les rivages de l’Amérique.
Duncan raconte dans ses souvenirs que l’état-major militaire n’avait tout d’abord pas vu d’un très bon œil l’arrivée de cette nichée canine dans les rangs de l’armée. Un officier avait sommé le caporal de s’en débarrasser ou, à la rigueur, de dresser ces nouvelles recrues en vue de leur confier certaines missions. Duncan sauta sur cette dernière opportunité. Quelques semaines plus tard, Rintintin, chien d’élite, était déjà opérationnel et, s’infiltrant à travers les lignes, apportait, sous la mitraille ennemie, le courrier ou des médicaments aux soldats de l’avant. Plus d’un combattant lui devra la vie. Peu à peu toléré, le jeune berger se rendit vite indispensable. Mais il n’était encore qu’au début d’une carrière hors-norme. La paix revenue, d’autres aventures l’attendaient…